Récemment, je vous ai parlé de ma rencontre avec le Chef Georges Blanc et de la manière dont celle-ci a changé ma vision de ce qu’est un restaurant. J’aimerais aujourd’hui rendre hommage à un autre Chef, qui m’a littéralement tout appris et que je considère comme mon Père spirituel en Cuisine : le Chef Pascal Morel.
Pour vous parler de notre rencontre, je dois d’abord revenir aux origines de ma formation de Cuisinier. J’ai débuté à 15 ans par un BEP et surtout par des stages dans une maison en Lozère : une cuisine simple mais tout y était préparé sur place et fait maison. J’y ai passé tous les Étés de mon BEP quasiment 7 jours sur 7, et vers 18 ans j’étais responsable de la Cuisine avec deux personnes sous mes ordres. J’aurais d’ailleurs pu rester dans cet établissement et reprendre l’affaire, mais j’avais envie de travailler dans les grands restaurants. À cette époque, lorsque l’on n’était pas fils de traiteur ou de restaurateur, il était assez difficile d’y rentrer.
Après l’obtention de mon BEP, je pars en BAC Pro à Nîmes mais le problème reste toujours le même : je n’arrive pas à rentrer dans des Cuisines où l’on propose de la haute Gastronomie, même pour y travailler gratuitement. Et c’est finalement un coup de chance qui va tout faire basculer. Je suis présent lorsqu’un fils de traiteur se désiste pour partir en stage à Salon de Provence dans un Relais Château. Après avoir tanné mon professeur, je décroche finalement le stage. Je me suis rendu sur place 15 jours avant afin de me présenter, habillé de mes plus beaux habits, et voici comment j’ai rencontré Pascal Morel qui est alors le Second de la « Table de l'Abbaye », à l'Abbaye de Sainte-Croix.
Les deux mois que je vais passer là-bas vont être exceptionnels pour le jeune apprenti que je suis. Je ne compte pas mes heures et cherche avant tout à apprendre au maximum. Pascal Morel se prend d’amitié pour moi, nous venons du même milieu, partageons les mêmes passions sportives et il va me transmettre autant en Cuisine qu’en dehors. Subjugué par ce stage, je demande au Chef de l’époque si je peux revenir pour mon prochain stage et ma demande est acceptée. Oui mais voilà, en revenant le Second Pascal Morel est alors devenu le Chef ! C’est donc toujours sous son égide que ma formation continue.
Toutes les techniques que je connais ou qui ont été à la base d’une évolution de ma part, puisent leurs origines dans l’enseignement du Chef Pascal Morel. Au-delà de la technique il m’a également appris la dureté du métier, j’ai été formé à la dure comme on dit. Pas de pause entre deux services si on a un sanglier à dépecer et à préparer. Et je n’ai jamais dit non à quoi que ce soit, tout a été une occasion d’apprendre. Cette formation s’est étalée sur plusieurs années puisqu’après ce stage, une place m’a été gardée jusqu’à l’obtention de mon BAC Pro et j’y ai travaillé – pendant mes cours – toutes les semaines du vendredi soir au dimanche midi.
Après ma première Saison là-bas, j’ai été placé par le Chef Pascal Morel – pendant les 4 mois de fermeture – à Méribel dans un autre établissement Relais Château pour finalement revenir à l’ouverture de la Table de l’Abbaye. Ces allers-retours durant la fermeture ont été permanents pendant des années : Bretagne, Sud-Ouest, Méribel … Chaque nouvel établissement a été une source d’apprentissage et de rencontre, puisque c’est pendant l'un de ces déplacements que j’ai rencontré ma femme. Au fur et à mesure j’ai grimpé les échelons de la hiérarchie pour finalement finir Second du Chef Pascal Morel. L’envie d’apprendre faisant, j’ai eu mes premiers postes de Chef notamment dans des établissements étoilés et enfin je suis parti pour l’étranger. Et même à mon retour d’Uruguay, c’est lui qui m’a accueilli pendant 3 mois dans ses Cuisines le temps que je retrouve une place. La suite vous la connaissez, puisqu’après une mauvaise expérience en Alsace, je finirais par postuler chez le chef Georges Blanc.
Je souhaite sincèrement à tous les apprentis en Cuisine de rencontrer un maître d’apprentissage tel que le Chef Pascal Morel, et je ne le remercierai jamais assez pour tout ce qu’il m’a transmis.
Jérôme Nutile