Au début de chaque plat il y a avant tout un produit ou du moins la volonté de vouloir mettre en lumière ce produit. Cela peut venir pendant une discussion avec mes Cuisiniers car j’aime aussi savoir ce qu’ils aiment travailler. C’est parfois la Saison qui vous ramène sous le nez un produit que vous aviez mis de côté l’année passée.  Enfin il n’y a pas de règle précise sur le choix de ce produit qui va motiver toute la recette, si ce n’est qu’il doit être de Saison ce qui sous-entend sa disponibilité et sa qualité.

La suite du process aussi est nébuleuse. Je ne dessine pas, je ne fais pas d’essais gustatifs car tout se passe dans ma tête si je puis dire. J’ai besoin d’un environnement calme, souvent en extérieur et pour sur jamais dans un bureau, ça me rappelle l’école. Un champ de lavande, une balade dans les bois ou parfois même un déplacement en voiture, en allant passer quelques heures en solitaire dans un décor magnifique comme les Cévennes. C’est là que la réflexion naît. Tout cela prend d’ailleurs souvent la forme de post-it. Je vais y préciser l’accompagnement, puis sur un autre la sauce ou l’utilisation de telle ou telle huile. Cette manière de travailler – en accordéon - me permet aussi de revenir sur certaines recettes, de les affiner mentalement, un peu comme une peinture sur laquelle on reviendrait jusqu’à ce qu’elle atteigne ce que l’on visait.

Quand on construit une recette, quelque part on le fait pour soi. Le moteur c’est notre passion, notre goût pour telle ou telle combinaison de saveurs. Après seulement vient le partage. Et parfois nos envies vont à l’encontre de ce qui se fait dans l’air du temps, on pourrait penser que l’on a tort mais je ne crois pas. On ne peut pas avoir tort tant que l’on fait une Cuisine qui nous plait et surtout qui nous ressemble. Alors oui on peut changer, on évolue– heureusement – et parfois même on se contredit mais ce qui compte c’est de rester soi-même en Cuisine, car on ne partage que ce qui vient de soi et c’est bien de ça qu’il s’agit.

Jérôme Nutile