Comme le disait Montaigne, « Mon apprentissage n'a d'autre fruit que de me faire sentir combien il me reste à apprendre »: C'est l'essence même de la formation, nous confronter à nos propres limites tout en nous poussant à en faire toujours plus pour combler ces manques.

Depuis tout petit j'ai toujours su que je voulais faire de la cuisine mon métier. C'est ce qui me passionnait, et je ne m'imaginais pas faire autre chose une fois adulte. Et je l'ai très vite fait comprendre à mes parents, qui l'ont accepté et m'ont laissé faire l'école hôtelière. Après plusieurs saisons à travailler sur Villefort, et des stages qui ne me satisfaisaient guère, l'opportunité rêvée s'est enfin présentée, presque par hasard. Il y avait un fils de restaurateur qui devait partir pour Salon-de-Provence mais qui s'est désisté. Je me suis immédiatement proposé, et j'ai pu intégrer au pied levé l'équipe du restaurant gastronomique de L'Abbaye de Sainte Croix (relais château).

Après un premier stage concluant le chef m'a enjoint à revenir pour un second stage, puis j'ai commencé à y travailler les weekends, une fois l'école terminée. J’avais enfin la chance de travailler dans une grande cuisine, pour une belle table et pour cela je ne peux que l’en remercier. Je ne savais rien, ou si peu, mais j’en avais conscience et surtout j’étais avide d’apprendre. Et j’avais trouvé la personne idoine avec le chef Pascal Morel. C’était mon mentor. Un chef un peu à l’ancienne, sérieux, à cheval sur la politesse, attentif à l’image que l’on renvoyait, quelqu'un de rigoureux. Mais c’était surtout un homme fabuleux, qui m’a pris sous son aile et m’a fait confiance. Ce fût un double apprentissage pour moi: celui des valeurs qu’on se transmet d'homme à homme et celui de la cuisine. 90 % de ce que je sais je l’ai appris là-bas. J’ai pu y finir ma formation, gravir tous les échelons jusqu'à finir second.

Aujourd'hui les jeunes qui arrivent sont hallucinés par le rythme, le fonctionnement très hiérarchisé d’une cuisine. Ils ont tendance à vouloir brûler les étapes alors que justement ils sont la pour apprendre les bases. Parfaire leurs gestes. Maîtriser les cuissons. Maîtriser leur temps. Et apprendre comment bien se comporter.

Mais si l’on est patient, valeureux, déterminé et surtout si on a choisi cette voie parce que la cuisine nous passionne, alors votre chemin est tout tracé ! Et ce difficile apprentissage ne pourra que vous mener très loin.

Jérôme Nutile